Corps, âme, esprit

L’anthropologie biblique a une manière spécifique de voir la personne qui marque notre rapport à nous-même et nous présente aussi un chemin de rapport juste à soi et aux autres. Quel est-il ? Quels peuvent être les écueils liés à l’influence néoplatonicienne ? 

Le corps – Dès la genèse et la poème qui raconte la “création”, ce qui est d’abord “modelé” c’est le corps d’Adam. Adam n’est pas une personne mais comme l’archétype de l’humanité entière. En hébreu, adama veut dire terre et Adam pourrait être traduit par “le terreux”. Cela dit l’aspect très concret de la création. L’être humain en son corps appartient à cet ensemble du monde, il est constitué de la même “matière” concrète. Le corps se dit basah en hébreux et est parfois traduit par chair. Lire la Bible nous met en contact sans cesse avec des corps. On dit de David qu’il était beau, de Goliath ou de Samson qu’ils étaient grand et fort, de Zachée qu’il était petit. Le poème du cantique des cantiques est une célébration de la beauté des corps : des pieds à la chevelure, du visage, des seins…  Chaque partie est mise en lumière et célébrée.Il y aurait tout un travail à faire sur la nudité dans la bible aussi, hautement significative, d’Adam à Noé, de Job à la nudité du Christ sur la croix. A l’intérieur du corps même, les parties n’ont pas toujours la même signification qu’aujourd’hui. Ainsi le cœur biblique est-il plutôt le centre de la volonté de la personne, le lieu où la personne discerne et décide. Il rejoint l’âme. Les émotions sont plutôt du côté des reins… Le corps dans la Bible désigne l’ensemble de la personne quand c’est le terme somâ qui est utilisé. Quand on parle de sarx, qu’on peut traduire par chair, dans des textes tardifs tel que celui de la sagesse, alors, on voit apparaître le dualisme néoplatonicien qui oppose chair et esprit… Dans la tradition judéo-chrétienne, le corps n’est pas qu’une “enveloppe” externe qu’une âme “anime”. Il est destiné au salut aussi ! Saint Paul parle de notre corps comme d’un Temple, il est infiniment digne de respect et d’amour. Comment prends-tu soin de ton corps ? De quoi aurait-il besoin pour être au mieux ? Plus de sommeil ? plus d’exercice ? une nourriture de meilleure qualité ?

L’âme – En grec, l’âme se dit psyché, on voit où l’on se situe là, plutôt du côté de la psychologie, des pensées qui nous habitent. Si nous revenons au récit de la Création, on voit qu’après avoir “modelé Adam”, Dieu lui insuffle sa nephesh, son souffle, son âme, sa vie (cf. Genèse 2,7). En latin, l’âme est dite anima, c’est ce qui anime la personne. Dans une sens large, âme a le sens de coeur, dans le sens, lieu de la volonté, du désir et des sentiments de la personne. Tout le combat spirituel se situe souvent à ce niveau là. En hébreux, il y a deux mots, quasi identiques pour dire le coeur : Lèv et lèvav… Le premier désigne plutôt le coeur unifié (lèv) et le second (levav) le coeur partagé. Notre psyché vit des conflits intérieurs entre plusieurs désirs, volontés qui s’opposent en nous-mêmes. Notre chemin est un processus d’unification, de pacification aussi, en lien avec notre histoire personnelle, familiale voire culturelle, nationale… L’âme est le pont entre notre corps et notre esprit. La relation à soi et aux autres est centrale dans cette démarche. La relation à la beauté aussi. Il y a eu parfois une opposition entre “homme psychique” et “homme spirituel”, que l’on retrouve dans le livre de Dietrich Bonhoeffer qui distingue entre communauté psychique et communauté spirituelle (dans son beau livre : De la vie communautaire). L’âme est appelée à “s’élever” de l’une à l’autre. Avec quoi je nourris mon âme ? L’âme est ce qui nous rend vivant/e ! Que signifierait pour toi être plus vivant/e ? Que puis-je ajouter ou enlever pour être plus vivant/e ?

L’esprit – En hebreu, c’est la ruah, qui se traduit aussi comme souffle, vent, haleine. C’est le souffle de vie que l’on retrouve dans un récit significatif, celui des ossements desséchés dans le livre du prophète Ezéchiel : “5 Ainsi parle le Seigneur DIEU à ces ossements : Je vais faire venir en vous un souffle pour que vous viviez. 6 Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître sur vous de la chair, j’étendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous un souffle et vous vivrez ; alors vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR.” (Ez 37) C’est comme une nouvelle création par le Seigneur, le souffle est celui du Seigneur.. Aujourd’hui, pour vérifier que quelqu’un est en vie, on commence toujours par vérifier en premier le souffle, avant le cœur puis l’activité cérébrale. Et le lien entre cet esprit et le chair est aussi souligné par Ezéchiel dans un autre passage fameux : Je vous donnerai un coeur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j’enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair.” Ez 36, 26. On peut voir que la chair est dans les deux cas mise en valeur et mise en lien avec l’esprit et le coeur. Pas d’esprit sans chair, pas de chair vivante sans esprit. On peut voir aussi la confusion possible entre esprit et âme, les deux référant au souffle en hébreux. On devient pleinement humain en assumant cette partie spirituelle de notre personne. C’est ce qui nous fait donner sens à notre vie, qui nous donne du souffle. Sans cela, nous pouvons nous sentir vide, sans énergie. On voit qu’on n’est pas ici au niveau de l’esprit “intellect”. Même si en grec, le « nous » renvoie de fait à l’intelligence, à l’esprit, à l’intelligence. On voit les différences qui peuvent exister entre hébreux et grec pour cela. Enfin, prendre le temps de regarder ce qui nourrit ton esprit. Mets-tu dans ton agenda des temps de méditation, de prière ? Y a-t-il de la place de l’émerveillement gratuit ? 

Saint Paul oppose parfois la chair à l’esprit. Cela peut donner une vision très dualiste de la personne. Et c’est vrai qu’il peut y avoir un combat intérieur entre différents désirs qui s’opposent. Mais on l’a vu les trois s’articulent de façon plus fine. L’anthropologie biblique – la manière de voir la personne humaine dans la Bible – est fondamentalement tripartite. Dans un certain nombre d’écrits du début du christianisme, on peut sentir l’influence platonicienne et surtout néoplatonicienne qui oppose l’esprit et le corps. Souvenons-nous que pour Platon le corps est ce qui empêche l’âme d’atteindre le monde des Idées. Ce n’est pas la vision chrétienne. Si Dieu a décidé de “s’incarner” en Jésus, pour être pleinement humain, cela nous dit l’importance de l’accueil plein par Dieu de notre humanité dans toutes ses dimensions. Un des adages patristiques fondamentaux est : “ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé” Si Dieu s’est incarné, c’est pour que nous soyons pleinement sauvés avec toute notre personne  : corps, âme et esprit. Dans le credo, nous le confessons aussi : “je crois en la résurrection de la chair”. Si nous ne savons pas ce que recouvre cette résurrection corporelle, en tout cas cette résurrection n’est pas “que” spirituelle.

Vis-à-vis de ces trois “parties” de notre personne, la question fondamentale à se poser est sûrement quel est mon rapport intime avec chacune de ses parties. Comment je prends soin, nourris chacune de ses parties de ma personne ? Et si j’ai des responsabilités vis à vis d’autres – en tant que parent, éducateur, manager, accompagnant…comment je veille aussi à ce que la personne nourrisse ces différentes parties de sa personne.

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