
Qu’est-ce que la solitude ? Vécue comme “bonne” ou “mauvaise” selon les circonstances et les étapes de notre vie. Comment la solitude nous construit alors que l’isolement nous fragilise.
La solitude fait partie de nos vies humaines, y compris quand on mène une vie de famille et qu’on est très entouré.e. Chacun.e vit de la solitude dans des domaines particuliers, à des moments singuliers de son chemin.Tout n’est pas “partageable” même si nous le faisons “malgré tout”. Il y a une part unique et solitaire en chacun.e de nous. Et il n’y a aussi pas qu’ “une” solitude ! Véronique Margron a publié un bel ouvrage d’entretiens avec Claude Plettner sur la question : Solitudes, nuit et jour, paru en 2014. Elle y médite sur cette pluralité de la solitude qui est parfois recherchée et bénie et parfois douloureuse et maudite.
Commençons par cette dernière, c’est la solitude qui est vécue comme un isolement, le fait d’être coupé.e d’autrui. Beaucoup de nos contemporains sont seuls. Le confinement a fait prendre conscience de la particulière importance du lien social. Et beaucoup dans nos EHPAD sont morts d’isolement plus que du Covid… Cette coupure peut être sociale, “extérieure” mais elle peut aussi être “intérieure”. Je me sens seule car je vis avec des personnes qui ne me comprennent pas, ne partagent pas mes aspirations, mes désirs ou ne comprennent pas mes questionnements ou “tout simplement” qui je suis… On peut être seul.e et apparemment “entouré.e”. Les apparences peuvent parfois être trompeuses. J’ai côtoyé beaucoup de solitudes souffrantes lors de mes années monastiques. Et ce vide durement ressentie était alors comblé d’une façon ou d’une autre, “compensé” d’une façon ou d’une autre : nourriture, lecture, comportement contrôlant, recherche de lien constant avec des gens de l’extérieur… Toutes choses qui ne sont pas mauvaises “en elles-mêmes”, in medio stat virtus, l’excès était signe, symptôme(s) d’un mal-être…. Dans notre monde, cela peut se transformer en conduites addictives diverses : du binge watching de séries à l’enchaînement de relations d’un soir ou de la fuite dans le travail.
Mais la solitude est aussi ce qui fait de chacun.e de nous l’être unique et personnel.le qu’il/elle est. Sans solitude, je ne peux regarder en moi ce que je veux vraiment, faire mes choix, être de plus en plus qui je suis et je veux être. Cela ne veut pas dire que cela prend “des plombes” ! Mais savoir faire ce pas de côté ou de recul pour y voir plus clair est salvifique et nécessaire. Cela peut passer par le fait d’aller marcher, de lire un livre qui nous ouvre l’esprit à autre chose… Avoir un temps “pour soi”. Pascal disait : “tout le malheur de l’homme vient de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre” (Pensées, 139…).
Est-ce que cela vous arrive de vous mettre à “plonger” dans l’action comme “désespérément” jusqu’à épuisement, alors que vous “savez” que vous avez besoin de vous arrêtez pour y voir plus clair dans votre vie ? Pour moi, je sais que c’est un symptôme de la nécessité de m’arrêter !! Cela ne veut pas dire que je l’écoute immédiatement.
Dans la vie de saint Benoît, il y a un moment où la communauté qui l’a élu comme abbé – et finalement mécontente de son choix – essaye de le tuer en l’empoisonnant. Benoît quitte cette communauté et on nous dit qu’il “revient à sa chère solitude pour y habiter avec lui-même”. J’aime beaucoup cette expression : habitare secum, habiter avec soi-même. Suis-je bien avec moi-même ? Bien avec ce que je vis ? Bien dans ma vie ? Bien avec les personnes qui m’entourent ? Bien dans mon travail ? Bien dans mon rythme ?… Je vous laisse continuer la liste… La “bonne” solitude est ce qui me permet d’ “habiter avec moi-même”, de revenir à moi, à mon coeur, à ce que je veux vraiment. Comme la systole et la diastole permet à notre coeur de battre, pour vivre, nous avons cet équilibre à trouver – qui est unique pour chacun.e – entre l’extérieur et l’intérieur. Il n’est pas trouvé “une fois pour toute”, car nous changeons sans cesse et ce qui nous advient nous transforme aussi. Beau chemin à chacune !
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