
Étant en train de marcher sur le chemin de Compostelle, le Camino del Norte, je voulais vous partager quelques réflexions sur la spiritualité du chemin, du pèlerin/de la pèlerine !
Le mot “pèlerin” veut dire “étranger”, de fait, la personne qui part en pèlerinage n’est pas “du lieu”. Elle est “de passage”. Dans la tradition monastique, cela a même donné un courant, la xeniteia, le fait pour un moine de décider de l’être dans un pays étranger au sien. Qu’est-ce que cela veut dire ? sous-tend ? Avez-vous déjà vécu dans un pays étranger ou vécu au milieu de personnes d’autres cultures ? Cela nous met en situation de vulnérabilité. Nous ne sommes automatiquement plus la “majorité”. Il y a une posture de réception, d’ouverture et même d’humilité de ne pas se suffire, de ne pas être “le/la” référentiel/le. Une attitude nécessaire va être de demander : où est le chemin ? où est l’auberge ?… Si je ne parle pas la langue locale, de demander à quelqu’un d’autres de traduire pour moi ou de baraguiner comme je le peux pour me faire comprendre… Nous entrons donc “forcément” en relation avec d’autres, au lieu de nous “suffire” à nous-mêmes… Sur mon chemin de vie, comment je vis cette démarche ?
Être sur le chemin veut dire aussi que le chemin d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier ou de demain, et même que le chemin de cette heure n’est pas celui d’il y a deux heures ou de l’heure qui suit ! Accueillir ce qui vient, écouter ce dont j’ai besoin ici et maintenant. C’est une spiritualité de l’ “aujourd’hui”, de l’instant présent. Savoir saisir les occasions fugaces qui se présentent : comme ce petit muret sur le bord du chemin pour s’étendre pour un repos bienfaisant d’une vingtaine de minutes avant de reprendre la route, comme ce point de vue à bout de souffle à contempler, comme cette échange avec cette personne que je n’ai pas encore rencontré… Comment j’accueille ce que je vis ? Est-ce que je l’écoute ou je cours toujours ? Parfois, notre corps se charge de se rappeler à nous ! Il nous demande une pause de façon un peu “forcée” !! Cela aussi fait partie de la spiritualité du chemin. Écouter ce qui est maintenant !
Un autre aspect possible est le fait d’être toujours en mouvement, d’avancer. Cela ne veut pas dire qu’on ne s’arrête pas, mais les pauses sont temporaires.Les auberges “normalement” n’acceptent pas qu’un pèlerin dorme deux nuits de suite au même endroit, à moins qu’il soit “vraiment” mal ! Qu’est-ce que je fais pour avancer, progresser dans ce que je vis. Bien sûr, nous avons aussi des fonctionnements “cycliques” avec des hauts et des bas… et la notion de progrès continu si elle est absolutisée (issu des Lumières et modelisé par Hegel) est illusoire. Nous pouvons toujours faire un pas, même si c’est pour reconnaître que “tel” chemin n’est pas le nôtre et que nous préférons aller ailleurs ! Quel est mon prochain pas dans la direction que je veux atteindre ? Dans quelle direction est-ce que je veux aller ?
Un autre élément important de cette spiritualité du chemin me paraît être de respecter notre propre rythme. Nous avons chacun/e notre propre rythme, qui change même selon les heures et selon les jours. Respecter le rythme de ma marche de maintenant. Faire des pauses, manger, boire, me reposer, me ressourcer, quand j’en ressens le besoin. C’est comme la respiration, nous pouvons avoir besoin certains jours de plus de repos, d’autres jours, nous allons “enfiler” les kilomètres sans nous en apercevoir. Je peux avoir besoin un jour d’être seule, un autre jour d’être avec d’autres et d’échanger; un jour de prier seule, un autre d’aller prendre une bière ou manger des tapas avec d’autres pèlerins. De quoi ai-je besoin aujourd’hui ? Maintenant ? Comment et quand je réponds à ces besoins ?
Comme l’enfant qui apprend à marcher doit apprendre à perdre l’équilibre pour avancer… de même pour avancer sur cette spiritualité, nous avons à désapprendre et apprendre sans cesse pour progresser ! Buen Camino sur ce chemin de Vie !