Quand je parle de mon projet « Chemins de Vie », une des premières questions qui vient est de savoir si j’ai déjà « fait » Compostelle… Alors, oui, j’ai « fait » Compostelle ! Et je viens même d’y retourner 15 jours récemment ! Voici quelques échos de cette expérience unique !

Pourquoi marcher sur le chemin de Compostelle ?
Quand j’ai pris un temps de distance vis-à-vis de la communauté où j’ai vécu 17 ans, je me suis dit que j’aurais besoin de faire le point par un temps singulier. On m’a tout de suite dit qu’il faudrait que je fasse « les Exercices »… C’est-à-dire la retraite de trente jours à la manière de Saint Ignace de Loyola… Après avoir vécu 17 ans de vie monastique, je n’avais pas trop envie de « m’enfermer » un mois de plus, avec un cadre assez rigide de prière et de méditation… Par contre, je me suis dit que « faire le chemin de Compostelle » serait une démarche qui me correspondrait mieux. Pourquoi cela ? J’aime beaucoup marcher. La marche est source d’équilibre et d’apaisement. Cela m’aide à y voir plus clair dans ma tête et à voir ce que je veux vraiment. Et le faire en marchant sur un chemin millénaire est très significatif. Comme j’atteignais la quarantaine cette année-là. J’ai décidé de marcher 40 jours, chiffre biblique bien symbolique…
Des chemins vers Compostelle
Je suis partie seule de l’abbaye de Maylis dans les Landes et j’ai marché jusqu’à Fisterra, 100 km au-delà de Saint-Jacques de Compostelle, sur la mer, le « Finistère » espagnol, en Galice. 40 jours de marche, 1000 km à pied… J’avais calculé le chemin pour arriver à destination et partir d’un lieu qui ait du sens pour moi. Une personne m’a dit : « Ah, tu ne fais pas le « vrai » chemin !… « Normalement », il « faut » partir de chez soi et aller jusqu’à Compostelle. » La vérité est que chacun fait « son » chemin. J’ai marché une partie du chemin avec Rémi, qui était parti de chez lui, à Nancy, le jour de sa retraite ! Il avait le temps pour le faire et les moyens. C’est une belle expérience. Un autre ami a marché 10-15 jours chaque année. Il est père de famille et ne pouvait pas le faire « d’une traite » ! Je suis partie des années après lui et suis arrivée « avant »… Mais il vivait l’expérience depuis plus longtemps que moi… Il y a aussi « des chemins » car littéralement, il y a plusieurs itinéraires balisés à travers l’Europe. Le plus connu est le camino frances, surnommé l’ « autoroute des pèlerins » à partir de Saint-Jean-Pied-de-Port. Vous pouvez ainsi décider de faire tel ou tel chemin. En février dernier, j’ai exploré la moitié du camino portugais qui part de Lisbonne. Rien qu’au Portugal, il en existe plusieurs… Les chemins sont infinis… Selon le temps et les moyens dont vous disposez, la température, les dates d’ouverture du chemin ou des hébergements, si vous voulez plutôt être seul/e ou rencontrer d’autres pèlerins, cherchez et vous trouverez le chemin qui vous correspond !

Ton chemin est unique…
Il n’y a pas « un » chemin, il y a le chemin de chacun/e.. Cela ne concerne pas que l’itinéraire choisi. Chacun/e a son propre rythme. Et chaque jour est différent. Je peux marcher 38 km un jour et ne pas être capable de faire plus de 16 km un autre jour, selon l’état de mes pieds, mon moral, la température, le dénivelé… ou le décider pour soutenir une amie pèlerine qui ne peut pas le faire. J’ai marché quelques jours avec une Française qui aimait « enchaîner les kilomètres ». Elle a fini par continuer sa route. Je préférais marcher moins et garder le lien avec des pèlerins avec qui j’avais vécu une rencontre… De son côté, elle préférait la marche solitaire. C’est important de garder sa liberté intérieure et de choisir selon qui je suis et ce qui compte pour moi… sur le chemin comme dans la vie du reste ! Après, quand je suis partie, je pensais qu’après l’avoir vécu, je pourrais cocher la case « Check, c’est fait ! » en face de « chemin de Compostelle. Et assez vite, j’ai croisé des « habitués » du chemins, qui en sont à leur 2ème, 5ème, 12ème camino… ou qui le font chaque année… Le chemin peut vous « prendre » et alors, votre question devient : « quand est-ce que je repars ? » ou : « quel chemin je vais « faire » cette fois-ci ? » !

Rencontres…
Lors de mon camino, j’ai rencontré des personnes du monde entier : d’Asie, des Etats-Unis, d’Amérique latine, beaucoup d’Européens bien sûr et quelques rare Africains… blancs d’Afrique du Sud. C’est une expérience unique de « cheminer avec » des personnes de tant de nationalités et cultures, mais aussi de milieux sociaux différents. J’ai dîné avec – à la même table un jeune canadien fauché qui finissait les assiettes de ceux qui ne la finissaient pas et un cadre supérieur de Loréal New-York. On revient aux fondamentaux : où est-ce que je dors ? où est la prochaine fontaine ? où est-ce que je mange ? avec qui je marche ? Après, le chemin nous remet face à l’essentiel car nous avons 6 à 10 heures de marche quotidienne. Donc, les questions qui nous habitent ont le temps de se rappeler à nous et de cheminer, en même temps que nous marchons. On se confie aussi à des personnes avec qui l’on marche au même pas et avec qui nous cheminerons tout au long, ou pour quelques jours ou quelques heures ou le temps d’un petit déjeuner ou d’un dîner. Rencontres fugaces ou cheminement qui ouvre sur une amitié plus durable… La fatigue de la marche nous permet aussi de ne pas être pris dans du superficiel. Assez vite, on aborde les « vraies questions » qui nous habitent avec des parfaits/tes inconnus/ues !

Solitude…
Il y a des rencontres et il y a aussi de la solitude… Car sur les heures de marche, même quand nous marchons « avec » quelqu’un, on ne parle pas tout du long. Ces temps de solitude sont précieux et exigeants à la fois. Là encore les « vraies » questions du moment se rappellent à nous sans complaisance. Cela n’est pas toujours facile. C’est un chemin de vérité sur soi. Si j’ai laissé des dossiers en attente, ils reviennent sans ménagement. Comme ce n’est pas facile, je peux aussi fuir cela. Je me souviens de trois jeunes de 18-19 ans acheter chacun/e un litre de vin bon marché en arrivant à l’étape pour se saouler… Être ainsi confronté/e à soi-même, ses choix, sa vie peut être rude… Pouvoir échanger avec des amis, des proches peut être nécessaire… le téléphone permet de le faire même en étant seul/e sur le chemin ! L’échange avec d’autres pèlerins peut être aussi être source d’apaisement, de gain de clarté… et parfois, nous ne pouvons pas « régler » notre situation car elle ne dépend pas que de nous. Ce temps de réflexion personnel fait cheminer intérieurement en même temps que l’on avance dans notre pèlerinage extérieur. La marche nous déplace physiquement et ce cheminement nous permet aussi d’avancer intérieurement. Le corps, l’esprit, l’âme avancent ensemble, même si ce n’est pas toujours au même rythme ! La marche est une parabole…
Cheminer vers un but…
Nous allons tous vers Compostelle, un lieu, une ville : Santiago, Saint-Jacques de Compostelle. Assez vite, j’ai appris que nous pouvions aller jusqu’à Fisterra… 100 km au déjà de Santiago. J’avais décidé d’y aller… Mais en arrivant à Santiago et avoir déjà marché 900 km, j’avoue que le coup, je n’avais plus du tout envie de faire 100 bornes de plus « pour rien » !!! Cela dit bien l’importance de l’objectif… Il y a l’objectif « extérieur » : Santiago… et il y a l’objectif intérieur que je peux me donner en vivant cette démarche. Lors de mon premier chemin, c’était un temps de discernement au terme de cette année de recul vis-à-vis de la communauté où j’étais entrée en 2001. Marcher pendant des kilomètres en suivant les flèches jaunes du camino nous parle de s’orienter, se diriger, prendre le bon chemin… au sens figuré comme au sens propre… Nous sommes face à des choix aussi de nous arrêter à telle place ou pas, de prendre un raccourci ou de faire un détour… Comme en coaching, se donner un objectif est quand même le meilleur moyen de l’atteindre ! C’est la première étape minimale pour cela !

Buen camino !
En arrivant en Espagne, on entend assez vite la salutation du pèlerin : « Buen Camino ! » J’aime beaucoup cette salutation : « Bon chemin ! » Elle porte en elle une bénédiction. Comme notre « bonjour », cela ne veut pas dire que la journée, la marche sera facile ou parfaite. Elle nous donne la direction du possible, du bon, du bien, du beau que nous pourrons voir, vivre, entendre si nous ouvrons les yeux. Les jours qui ont été le plus difficile sur le chemin ont aussi été parmi les plus beaux, car j’ai alors reçu un soutien de mes compagnes et compagnons de marche le plus fort. Si j’avais toujours été « au top », je n’aurais pas eu l’occasion de découvrir cette amitié et ce soutien sur le chemin. Alors Buen Camino à chacune / chacun sur votre chemin de Vie !
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