
Notre société a tendance à mettre de côté la mort : on cache les malades, on fuit les mourants…Or, paradoxalement, accueillir la fragilité, la possibilité de la mort nous remet face aux vraies priorités dans notre vie et donc vers la Vie.
Le rapport à la mort concrète est sans doute le premier point à aborder. Aujourd’hui, la mort est cachée. J’ai été confrontée à la mort pour la première fois à 6 ans, un de mes oncles est mort d’un accident de voiture. Je me souviens du poids que cela a été de perdre cet homme bon et attentif, rentré dans la famille il y a peu. Mais je ne l’ai pas “vu” mort. J’ai vu la première personne morte au monastère – j’avais 23 ans. Au monastère, il y avait un rapport très naturel à la mort, comme “faisant partie de la vie”, quelque part. Plus de 10 soeurs et frères sont morts pendant mes 17 années de vie monastique. Avec le vieillissement de la communauté, c’était un fait et du coup, c’était des personnes qui soient sont parties brutalement, soit sont restées “grabataires” – couchées – pendant des années avant de “partir”. Les relations étaient parfois ténues, comme une soeur musicienne qui ne pouvaient plus s’exprimer par la parole les six dernières années de sa vie, j’allais lui jouer de la flûte les jours de fêtes… la soeur infirmière m’avait dit : elle ne supporte pas les cassettes, quand elle parlait encore, elle m’avait dit : “la musique, moi, je la compose”, mais tu peux essayer de jouer ! On verra bien. La première fois, je l’ai fait seule et elle a applaudi à la fin les larmes aux yeux. Le fait qu’une vraie personne lui joue de la musique, même si ce n’était pas parfait, l’avait touché et elle ne pouvait plus parler mais c’est le merci qui m’a le plus émue… Alors je suis revenue lui jouer, en invitant les autres soeurs à venir dans sa chambre les jours de fêtes. La tentation de notre société est de “faire disparaître” ces personnes qui sont couchées, ne peuvent plus parler. Mais cet exemple me dit qu’il se passe “quelque chose” même quand la personne est dépendante, habituellement aphasique… Et on voit là le lien entre mort, fragilité, maladie… Fuir la maladie, la fragilité, la mort, c’est se priver d’instant de vie de cette profondeur.
Dans le rapport à la mort, la question du sens surgit. Récemment, j’ai accompagné un homme de plus de 80 ans, qui venait de perdre sa femme après 45 ans de mariage. Il n’avait plus la foi et sa question au début de l’accompagnement était : “Où est-elle ?” Il a trouvé un chemin propre pour exprimer cette présence différente, à travers l’expression artistique. Avoir la foi est sûrement un atout immense, même si ce n’est pas “magique” pour autant ! J’ai beaucoup reçu là encore au monastère car les célébrations de funérailles étaient marquées par l’espérance et la joie d’avoir partagé un bout de vie avec cette soeur. On était dans la mémoire vivante de la personne, de l’héritage reçu par cette personne, dans l’espérance que le Seigneur l’accueille et que cette sœur continue à être reliée à nous, différemment. Nous avions coutume de dire que la communauté du ciel s’agrandissait, métaphore de cette communion au-delà de la mort. Il y a parfois des morts qui n’ont aucun “sens” et qu’il est bien sûr plus compliqué d’accueillir… Souvent les morts brutales ou les morts de personnes jeunes ou par maladie, par accident… Comme dans toute épreuve, le sens ne peut être donné que par la personne qui le vit et non de l’extérieur, comme “par dessus” !
Dans la règle de saint Benoît, il y a un chapitre (chapitre 4) qui présentent des “outils”, brèves sentences qui chacune peuvent servir de clés de vie à tel ou tel moment. L’une d’elle dit : “Avoir chaque jour la mort devant les yeux.” C’est une pensée monastique assez constante de saint Antoine – le “père” des moines – aux représentations de Marie Madeleine par le peintre Georges de La Tour avec son crâne. Qu’est ce que cela veut dire ? D’abord, cela n’est PAS une fascination malsaine pour la mort ! Cela nous place plutôt face à cette réalité qui fait partie de la vie, les philosophes diraient que cela nous met en face de notre finitude, notre limite. Nous ne vivrons pas – au moins sur cette terre – pour toujours ! Nous sommes des êtres “finis”, qui allons mourir un jour. Avoir chaque jour la mort devant les yeux est un appel non à être fasciné par sa mort, mais à avoir conscience que nous ne sommes pas là sur terre “pour toujours”. Cette parole vise à nous nous enraciner dans le moment présent et à avoir clairement en face de nous ce qui compte pour nous, ce qui est important. Face aux troubles vécus dans le pays où ils se trouvent, ma belle-soeur me partageait combien cela remettait les pendules à l’heure sur l’essentiel qui était important pour eux : être en vie, protéger la famille, favoriser la paix au sein du quartier. On revient au centre de sa personne, à ce qui compte et est important ici et maintenant !
Pour terminer, je voulais te citer une parole des Ecritures : “Vois, je place devant toi la mort et la vie, choisis donc la vie !” Deutéronome 30. Je t’invite à lire tout ce chapitre 30 qui explicite ce choix entre la vie et la mort. Ce texte est pour moi significatif des choix que nous avons à poser chaque jour, pour nous positionner vers plus de vie ou plus de mort. D’un point de vue spirituel, c’est très important d’être dans cette posture de choix. Je dis souvent à mes clients que ce n’est pas “ce qui leur est arrivé” – aussi terrible que cela soit – qui compte, mais “ce qu’elle / il décide d’en faire” ! Nous avons le choix. A certains moments, ces choix sont plus cruciaux. Comme cette amie touchée par un cancer multimorphe en ayant 50 ans, tu “sais” que tes “chances” de t’en sortir sont faible… Alors “à quoi bon se soigner”, autant profitez de tes proches sans vivre tous ces traitements intrusifs et douloureux… et finalement, elle a décidé d’être soignée… Nos choix peuvent évoluer… et les deux pouvaient être vus comme des choix de vie. Il y a un discernement qui s’opère au jour le jour. Et cela peut-être des choix plus “modestes” du quotidien mais qui ont un impact sur toi, sur ton entourage. Notre liberté est dans cette capacité à nous positionner vis à vis de ce que nous vivons, à poser des choix de vie ou de mort. Et le Seigneur nous encourage à aller vers la Vie : “Choisis donc la Vie pour que toi et ta postérité, vous viviez !”
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