
Mercredi des cendres – mercredi 14 février 2024
Aujourd’hui, c’est le début du carême. Rien que l’évocation de ce nom peut évoquer privation, moment pas marrant à passer… Bref, on n’a pas envie d’y aller ! Or c’est un temps spirituel précieux qui vise à faire le point sur sa vie. Quel est le sens du carême ? A quoi sert-il ? Qu’est ce que nous pouvons vivre et mettre en place pendant ce temps ? Voilà ce que nous allons voir ensemble !
Quel est le sens a le carême ? A quoi sert-il ?
Le mot “Carême” vient du latin populaire “quaresima” qui veut dire quarante. Cela désigne le temps de quarante jours – les dimanches étant exclus – qui précède Pâques. C’est un temps de préparation à Pâques. Ce temps fort spirituel vise à nous faire revenir à notre coeur – à ce que nous voulons vraiment vivre, à des relations plus justes avec les autres et au Seigneur ! Les orthodoxes comptent eux sept carêmes ! (https://icalendrier.fr/religion/fetes-orthodoxes/jeunes#Car%C3%AAme%20de%20La%20D%C3%A9collation%20de%20Saint-Jean-Baptiste)
Quarante est est nombre symbolique : le peuple hébreux qui vit 40 ans dans le désert, les 40 jours passés par Jésus dans le désert après son baptême…
L’Évangile qui est lu le jour de du mercredi des Cendres nous donne un peu le programme les éléments concrets. Il y a trois axes. Le premier est l’aumône, le second est la prière et le troisième est le jeûne. Nous retrouvons ces axes dans les différentes traditions religieuses. Voici le texte d’Evangile :
| Matthieu 6, 1-18 – 1 « Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards ; sinon, pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. 2 Quand donc tu fais l’aumône, ne le fais pas claironner devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, en vue de la gloire qui vient des hommes. En vérité, je vous le déclare : ils ont reçu leur récompense. 3 Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, 4 afin que ton aumône reste dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. 5 « Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours, afin d’être vus des hommes. En vérité, je vous le déclare : ils ont reçu leur récompense. 6 Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret. Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. (…) 16 « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. En vérité, je vous le déclare : ils ont reçu leur récompense. 17 Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage, 18 pour ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. source – Traduction Oecuménique de la Bible |
Dans ces trois éléments, l’axe commun est le fait d’agir “en secret” et non pas “pour se faire voir. Cela va assez à l’inverse de la logique des réseaux sociaux qui nous pousse à tout montrer, y compris le “behind the scène”, mais qui peut en fait encourager de la superficialité et non toujours la réalité. Je me souviens quand nous faisions le premier site internet pour la communauté, une des choses que nous avions décidé est de mettre des photos des soeurs de différents âges et pas uniquement les plus jeunes pour être vraies !
Ce que vise le Christ en mettant l’accent sur cela, c’est une relation sincère, c’est non une apparence. Cela rejoint l’évangile de la veuve qui donne une piécette discrètement et son geste passe inaperçu alors que les riches se montraient donnant de grandes sommes, alors qu’ils n’en avaient pas besoin pour vivre. Il y a un chemin de vérité à travers ce temps de carême et un chemin de conversion. Regarder où j’en suis dans ma relation à moi-même, aux autres et à Dieu. Les trois sont liés. Dorothée de Gaza, un moine qui vivait à Gaza au 6ème siècle utilisait l’image de la roue. Dieu est le centre, chaque personne est comme sur les rayons de la roue. Plus nous avançons vers le centre, plus nous nous approchons les uns des autres.
Le premier axe est l’aumône. C’est le fait de donner à autrui qui en a besoin – donner simplement sans retour et non prêter – ce qui est déjà très bien. C’est s’ouvrir au besoin de l’autre, sortir de sa propre suffisance, de son propre besoin pour être attentif/ve aux besoins de l’autre, qui est son frère, sa soeur en humanité puisque nous reconnaissons un seul et unique Dieu, Créateur et Père de tous. Et Jésus met aussi l’accent sur la manière de donner, non en le faisant “payer” cher par une reconnaissance mais en toute humilité et discrétion. Un ami prêtre orthodoxe me disait récemment combien la manière était aussi importante que le fond. Il m’a dit : “Si l’Esprit et le Fils sont les deux mains du Père, cela se traduit le Fils dit le quoi et l’Esprit le comment”. Cela m’a beaucoup parlé. Il ne suffit pas de faire quelque chose de bien, il faut encore le faire d’une certaine manière. Nous retrouvons ces éléments dans les trois axes du reste ! On remarque que ce premier axe est du côté du prendre soin d’une personne, d’une soeur, d’un frère. On ne commence par “par le haut”, mais par l’humanité !
Le second axe est la prière. L’axe ici de vigilance est de nourrir sa relation intime avec le Seigneur par une prière personnelle, cachée dans sa chambre et non publique. Une partie du passage de l’Evangile a été retirée, elle est pourtant intéressante, c’est le Notre Père qui contient les mots essentiels selon Jésus pour nous adresser à Dieu. Maman me rappelait que mon grand-père est mort en les disant l’année de ma naissance. En revenant de donner un cours à un étudiant étranger, il a fait un malaise et est entré demander un verre d’eau dans un café et il s’est écroulé. Il a récité le Notre Père et paraît-il tout le monde s’est levé et gardé le silence, sauf ceux qui le savaient qui l’ont récité avec lui. Prière essentielle du chrétien. Nous le connaissons tellement “par coeur”, que nous finissons par ne plus y être attentif/ve ! Et si nous décidions de revenir à lui, de le réciter lentement, en goûtant chaque mot… de le méditer pour voir à quoi chaque mot nous renvoie dans la Bible et dans notre propre expérience ? Cela peut être un bon “exercice” de carême de ralentir ! Prendre le temps de lire la Bible davantage peut aussi être un bon chemin. Comme le dis Saint Jérôme :”quand tu pries, tu parles à Dieu, quand tu lis la Bible, c’est Dieu qui te parle”. C’est important d’avoir les deux axes de ce dialogue.
Le troisième axe est le jeûne. Il est plus à la mode à l’extérieur de l’Eglise qu’en son sein aujourd’hui. Détox ! Purification !… C’est vrai aussi. Les moines disent qu’il faut manger jusqu’à un peu moins que la satiété. Quel sens a le jeûne ? Il nous dit que le corps participe à ce chemin de retour à soi, à Dieu, à l’autre. Le carême est un temps spirituel mais dans la perspective chrétienne, Dieu nous veut tout entier avec toutes nos dimensions : corps, âme, esprit. Le corps peut participer à ce chemin. Comment ? en étant pas pleinement repus, en vivant un certain manque, je vis concrètement, que je suis non pas indépendante mais en lien avec la création qui me nourrit, avec les autres. Cela me permet de sortir d’une suffisance éventuelle. Je m’engage avec mon corps par ce jeûne. Cela peut être l’occasion de vivre davantage une sobriété heureuse aussi, en lien avec la création, ne pas être dans le trop, mais dans le juste. Comme la manne qui est donnée chaque jour dans le désert aux Hébreux, comme le “pain quotidien” que nous demandons dans le Notre Père.
Ces différents éléments peuvent aussi être vécus différemment selon les besoins de chacun. Je peux ne pas avoir d’argent à donner en aumône mais peut-être que j’ai du temps ou une écoute à offrir. Je peux avoir besoin de vivre un jeûne d’écran qui me déconnecte de moi-même, de l’autre et de ma relation à Dieu. Saint Benoît demande “que chacun offre quelque chose à Dieu dans la joie du Saint Esprit” (RB 49,5). C’est à chacun/e d’écouter en son coeur et de voir ce qui est juste pour lui / pour elle d’offrir pour ce temps de Carême ! L’important est de vivre cette conversion du cœur selon ses trois axes de relation à soi, aux autres et à Dieu. Les modalités sont uniques pour chacun/e !
Parfois, nos circonstances de vie font que nous n’avons pas besoin de nous en “rajouter”, comme cette amie qui se bat contre un cancer. Son carême est peut-être de passer du temps de qualité avec ses proches ! C’est pour cela qu’il est important d’adapter. Et toi, quel carême décides-tu de vivre cette année ?
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