Les atteintes sexuelles en droit français

Comme j’entends parfois des grosses énormités sur ce qu’est une agression sexuelle… du style : « un attouchement mammaire n’est pas une agression sexuelle » ou « s’il n’y a pas viol ou pénétration, il n’y a pas agression sexuelle »… Je me permets de faire ce récapitulatif de droit français sur la question ! Se former pour connaître la réalité juridique me semble essentiel quand on est dans l’accompagnement et pas que ! Malheureusement, cela ne veut pas dire que la loi est appliquée… mais en tout cas elle existe. Et porter plainte fait partie du chemin de reconnaissance de ces faits et de reconstruction personnelle des personnes quand elles sont en état de pouvoir le vivre !

Introduction – Une évolution progressive du droit français

Le droit français concernant les violences sexuelles s’est construit par étapes, parfois lentes, mais toujours dans le sens d’une meilleure protection des victimes.
Jusqu’aux années 1980, le viol était encore considéré comme un « attentat à la pudeur ».
C’est la loi du 23 décembre 1980 qui marque un tournant essentiel : pour la première fois, le viol est reconnu comme un crime, et non plus comme une atteinte aux bonnes mœurs. Ce changement ouvre la voie à une prise en compte plus réaliste de la gravité des violences sexuelles.

Dans les années 1990 et 2000, plusieurs lois viennent renforcer la protection des mineurs, mieux définir l’abus d’autorité et la vulnérabilité, et aggraver les peines en cas d’inceste ou de violences commises par une personne ayant autorité.

La loi du 5 août 2013 introduit une meilleure reconnaissance de l’« emprise » et de l’abus d’autorité dans l’évaluation du consentement.
Puis, la loi du 3 août 2018 dite « loi Schiappa » clarifie les notions de harcèlement sexuel, étend les protections des mineurs, et crée un délit d’atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans sans exigence de contrainte, de menace ou de violence.

En 2021, un pas important est franchi avec la loi du 21 avril 2021, qui établit un âge minimal de consentement sexuel (15 ans, et 18 ans en cas d’inceste), afin d’empêcher toute remise en cause du consentement du mineur dans ces situations.

Ces textes successifs traduisent un mouvement général :
• une meilleure reconnaissance des mécanismes de domination et de sidération,
• une prise en compte plus fine de la vulnérabilité,
• une évolution de la définition même du consentement,
• et une volonté de faciliter la parole et l’accès à la justice.

Loin d’être figé, le droit français continue encore aujourd’hui d’intégrer la parole des victimes et les connaissances psychologiques, pour mieux comprendre et mieux protéger.

1. Le viol (articles 222-23 à 222-26 du Code pénal)

Définition : tout acte de pénétration sexuelle commis avec violence, contrainte, menace ou surprise.
👉 Source officielle :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417455/

Jurisprudence vérifiée :

  1. Pénétration digitale = viol
    Cass. crim., 14 avril 2021, n° 20-84.316
    https://www.courdecassation.fr/decision/6076ae5dcce0a17ee92b775e
  2. Pénétration rapide mais imposée = viol
    Cass. crim., 11 juin 2014, n° 13-87.814
    https://www.courdecassation.fr/decision/53984b42fc4a65ff9a0f697a
  3. Fellation imposée = viol
    CA Paris, 20 sept. 2017 (publiée sur Doctrine / Légifrance).

2. Agressions sexuelles (articles 222-22 et 222-27 à 222-31)

Définition : toute atteinte sexuelle sans pénétration commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.
👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417453/

Exemples vérifiés de jurisprudence :

  1. Toucher la poitrine par surprise = agression sexuelle
    Cass. crim., 30 janvier 2019, n° 17-87.703
    https://www.courdecassation.fr/decision/5c5211b480c6a17e3f8b46aa
  2. Main aux fesses = agression sexuelle
    Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-80.026
    https://www.courdecassation.fr/decision/5a79f5a8fcdb230b9e3e3f64
  3. Embrasser de force = agression sexuelle
    CA Lyon, 19 octobre 2016 (décision publiée).
  4. Caresser la cuisse de force = agression sexuelle
    Cass. crim., 10 mars 2021, n° 20-80.912
    https://www.courdecassation.fr/decision/6048f3f24601fa2d9c8b4576

3. Atteintes sexuelles sur mineur (articles 227-25 à 227-27)

👉 Définition légale :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006181754

a) Mineur de moins de 15 ans

Toute atteinte sexuelle par un majeur, même sans violence, = infraction.
Depuis la loi du 21 avril 2021, le consentement n’a aucune valeur légale.

Jurisprudence :

  1. Toucher les seins d’une fillette = atteinte sexuelle
    Cass. crim., 19 juin 2019, n° 18-85.603
    https://www.courdecassation.fr/decision/5d0a0a2cfdc3b217f6f0bfa7
  2. Gestes “experts” d’un moniteur sportif = atteinte sexuelle aggravée
    Cass. crim., 2 mars 2022, n° 21-82.770
    https://www.courdecassation.fr/decision/621f68db74d6be2f5a88a855
  3. Jeux sexuels imposés = atteinte sexuelle
    CA Colmar, 3 mai 2017 (publié).
b) Mineurs de plus de 15 ans

Infraction en cas :

  • d’autorité,
  • de contrainte,
  • de menace,
  • d’emprise.

4. Exhibition sexuelle (article 222-32)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417462

Jurisprudence :

  1. Masturbation à sa fenêtre visible du public = exhibition
    Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.122
    https://www.courdecassation.fr/decision/5a66a10dfdbe610dc5168a4d

5. Harcèlement sexuel (article 222-33)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006181768

Jurisprudence :

  1. Messages sexuels répétés = harcèlement sexuel
    Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-80.135
    https://www.courdecassation.fr/decision/6051b0bf7585a27e71a96f30

6. Atteinte à l’intimité sexuelle (articles 226-1 à 226-2-1)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006181735/

Jurisprudence :

  1. Filmer une personne nue sans consentement = condamnation
    Cass. crim., 6 décembre 2016, n° 15-87.033
    https://www.courdecassation.fr/decision/584686a0908e5c1ee8a60d8e

7. Corruption de mineur (article 227-22)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006419672/

Jurisprudence :

  1. Échanges pornographiques = corruption
    Cass. crim., 2 juin 2021, n° 20-81.840
    https://www.courdecassation.fr/decision/60b754133bdbfd0ffe8b45ab

8. Pornographie impliquant un mineur (article 227-23)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006419673/

Jurisprudence :

  1. Consultation répétée d’images pédopornographiques = infraction
    Cass. crim., 20 mars 2019, n° 18-82.758
    https://www.courdecassation.fr/decision/5c92980a6fce8c634c8b4570

9. Proxénétisme (articles 225-5 à 225-10)

👉 Texte officiel :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006181719/

Jurisprudence :

  1. Héberger une mineure prostituée = proxénétisme aggravé
    Cass. crim., 12 mai 2021, n° 20-82.328
    https://www.courdecassation.fr/decision/609b3b444601fa0f1b8b45eb

10. Décisions constitutionnelles récentes

QPC 2023-1058 : validité des dispositions sur les atteintes sexuelles sur mineur
👉 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231058QPC.htm

11. ÉVOLUTIONS RÉCENTES DU DROIT FRANÇAIS

Le cadre juridique des atteintes sexuelles en France ne reste pas figé. Plusieurs réformes viennent préciser ou renforcer la protection des victimes, la définition du consentement et les délais de prescription :

1. Inscription explicite du non-consentement dans la définition pénale
Le 6 novembre 2025, la loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles est entrée en vigueur. Elle prévoit que l’acte sexuel non consenti se caractérise notamment par une absence de consentement « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable ». vie-publique.fr+1 Le silence ou l’absence de réaction de la victime ne suffiront plus à établir ce consentement. Ministère de l’Égalité+1
Cette évolution marque un déplacement significatif : le droit ne se limite plus à la seule preuve de violence, contrainte, menace ou surprise, mais interroge davantage la notion même de consentement. Le Club des Juristes

2. Allongement des délais de prescription pour les violences sexuelles sur mineurs
En 2025, la législation a également évolué pour mieux prendre en compte les mécanismes psychiques et temporels qui entourent les violences subies dans l’enfance. Les victimes mineures disposent désormais de délais renforcés pour agir en justice. Maître BADJI – Avocat à Montpellier Cet ajustement vise à faire droit au silence souvent prolongé, à la difficulté de nomination des faits et à la peur de la victime.

3. Projet de suppression de la prescription pour les viols et agressions sexuelles commis sur mineurs
Une proposition de loi (n° 2110) déposée le 18 novembre 2025 à la 17ᵉ législature entend supprimer totalement le délai de prescription pour les viols et agressions sexuelles commis sur des mineurs. Assemblée Nationale Si elle venait à être adoptée, cette réforme renforcerait encore l’arsenal de protection à l’égard des victimes d’abus dans l’enfance.

4. Vers une meilleure prise en compte de la « vulnérabilité » et de l’« emprise »
Les évolutions législatives s’orientent aussi vers une reconnaissance accrue de la vulnérabilité de la victime (état de sidération, emprise, usage de substances, dépendance) afin de caractériser l’absence de consentement. Conseil d’État Cette dimension permet de mieux saisir les rapports de pouvoir ou de dépendance qui accompagnent souvent les violences sexuelles, et de dépasser une lecture trop strictement matérielle (violence/menace) du crime ou délit.

Pourquoi ces évolutions comptent

Ces modifications ne sont pas purement techniques : elles témoignent d’un déplacement de la culture juridique vers une priorité donnée à la parole de la victime, à la reconnaissance de sa vulnérabilité, à l’affirmation que tout acte sexuel sans consentement explicite est une atteinte grave à la dignité.
Pour les accompagnants, professionnels du droit ou de l’accompagnement, elles impliquent d’être vigilants à la façon dont la notion de consentement est évaluée, et à ne pas sous-estimer les effets de sidération ou d’emprise chez la victime.

Conclusion

Comprendre les atteintes sexuelles en droit français, c’est entrer dans un domaine complexe où le juridique, le psychologique et l’humain s’entrecroisent.
Derrière chaque article de loi, il y a des vies blessées, des silences contraints, des parcours de reconstruction, et aussi des professionnels qui cherchent à agir avec justesse.

L’évolution du droit montre un mouvement clair : reconnaître davantage la parole des victimes, mieux protéger les plus vulnérables, intégrer les mécanismes d’emprise et de sidération, et affirmer que le consentement ne peut jamais être présumé.
Cette dynamique n’est pas terminée. Elle continue de s’affiner, au rythme des débats sociaux, des connaissances psychologiques et de la parole de celles et ceux qui osent témoigner.

Pour les personnes concernées comme pour les accompagnants, connaître ces repères juridiques permet de mieux comprendre, de mieux orienter, et parfois simplement d’oser nommer ce qui a été vécu.
Le droit n’efface pas les blessures, mais il peut être un appui pour la reconstruction, pour la reconnaissance, et pour une société plus protectrice.

Laisser un commentaire