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Quand on parle de complexe, l’image qui nous vient mais pas très positive – « il est complexé ». Il est pourtant intéressant de les « regarder en face » pour sortir de la confusion et y voir plus clair ! Que veut dire ce mot ? Quel chemin de libération nous permet-il ?
S’intéresser aux complexes, c’est ouvrir une porte sur ce qui se tisse en nous, entre nos expériences, nos émotions et nos représentations. C’est un chemin pour sortir de la confusion et mieux comprendre les mouvements intérieurs qui nous traversent.
Origine du mot « complexe » –
Le mot complexe vient du latin complexus, qui signifie « entrelacement », « ce qui est tissé ensemble ». À l’origine, il ne désignait pas une gêne psychologique, mais un nœud de forces en interaction, une totalité vivante. C’est au tournant du XXᵉ siècle que la psychologie analytique, avec Carl Gustav Jung, redonne à ce mot son sens profond : un complexe n’est pas un défaut, mais un ensemble d’éléments psychiques reliés par une émotion commune, un champ d’énergie où se jouent des désirs, des peurs et des représentations.
Le complexe, pour Jung, est une sorte de sous-personnalité autonome : il pense, ressent, agit parfois à notre insu. Il s’active quand une situation touche une mémoire affective enfouie. Il ne nous appartient pas tout à fait ; il nous traverse. C’est cette conception dynamique et vivante qu’ Edgar Morin a reprise et approfondie tout au long de son œuvre, en y ajoutant une dimension existentielle et spirituelle.
Edgar Morin : penser la complexité pour penser le complexe
Si Jung a conceptualisé les complexes psychiques, Edgar Morin — philosophe, sociologue et penseur de la complexité — offre un cadre théorique précieux pour comprendre ce qui se joue dans un complexe.
La pensée complexe ne porte pas directement sur les complexes psychologiques, mais elle donne un langage pour saisir leur dynamique. Edgar Morin décrit le réel comme un ensemble de forces en interaction, souvent contradictoires, toujours en mouvement. Cette vision rejoint profondément la logique du complexe jungien : rien n’est isolé, rien n’est simple, rien n’est linéaire.
Un complexe est une « zone » où se nouent des polarités : désir et interdiction, force et fragilité, fidélité et liberté, lumière et ombre. Edgar Morin parle d’un « dialogique » : deux forces contraires qui ne s’annulent pas, mais se co-produisent. Le complexe, au sens psychique, peut être compris comme un lieu où cette dialogique se manifeste.
Une lecture du complexe à plusieurs niveaux
Edgar Morin distingue plusieurs dimensions du complexe. La première est psychologique : le complexe est un ensemble d’images, de souvenirs et d’affects qui orientent inconsciemment nos comportements. On peut citer le complexe maternel, le complexe d’abandon, le complexe de culpabilité.
La deuxième est symbolique : chaque complexe renvoie à un archétype, c’est-à-dire à une figure universelle de l’expérience humaine. Le complexe filial, par exemple, n’est pas seulement lié à ton histoire personnelle, mais aussi à l’archétype du père, de la mère, de la filiation. Il relie ton vécu individuel à la trame collective de l’humanité.
Enfin, la troisième dimension est spirituelle, et c’est celle que Morin éclaire particulièrement. Chaque complexe est un appel à la conscience, une invitation à la réconciliation intérieure. Traverser un complexe, c’est accepter d’aller au cœur de son propre paradoxe : reconnaître la part qui souffre et celle qui aspire à la lumière.
Un chemin d’unification
Edgar Morin rejoint ici la grande intuition jungienne du processus d’individuation : devenir soi, c’est accueillir toutes ses parts. Le complexe n’est plus un obstacle à surmonter, mais une porte vers l’unité.
Lorsqu’un complexe s’active, il ne faut pas chercher à le faire taire, mais à l’écouter : quelle émotion se manifeste ? Quelle histoire ou quelle loyauté refoulée veut s’exprimer ? Quelle vérité intérieure cherche à émerger ?
Dans ce travail d’écoute, la conscience se déploie. Ce n’est pas une quête d’équilibre parfait, mais une mise en dialogue entre les forces en tension. C’est là, dans cette oscillation vivante, que se trouve la croissance.
Du trouble à la révélation
Edgar Morin souligne que le complexe devient souffrance lorsqu’il est nié. Quand la conscience refuse d’entendre ce qui se joue, le complexe se durcit, se répète, s’impose. Mais lorsqu’il est accueilli, il devient révélateur : il nous apprend ce que nous ne pouvions pas encore voir de nous-mêmes.
Le complexe est une structure de passage : il lie l’ombre à la lumière, la blessure au désir d’unité. Dans cette perspective, l’humain est traversé par des mouvements multiples, parfois contradictoires, qui sont autant de voies d’accès à sa profondeur. Le travail n’est pas d’éliminer les contradictions, mais d’apprendre à vivre avec elles sans s’y perdre.
Accueillir le complexe, c’est accueillir la vie
Pour Edgar Morin, vivre avec ses complexes, c’est consentir à la complexité du réel. C’est reconnaître que l’existence humaine n’est pas linéaire, mais tissée d’oppositions fécondes. Chaque fois qu’un complexe surgit, c’est une part du vivant qui frappe à la porte.
Là où la psychologie classique voit un symptôme à corriger, Edgar Morin voit un message à écouter. Le complexe devient alors le lieu d’un travail intérieur de maturation, de vérité, de réconciliation.
Apprendre à accueillir nos complexes, c’est donc apprendre à accueillir la vie dans toute sa densité, ses paradoxes, ses ombres et ses éclats. Et peut-être est-ce cela, la vraie liberté : ne plus craindre ses contradictions, mais les laisser devenir chemin d’unité intérieure.
📚 Bibliographie sélective
• Edgar MORIN, Introduction à la pensée complexe — Le Seuil, 2005.
→ un manifeste clair de la pensée complexe, un outil pour dépasser la pensée simple et linéaire, et une invitation à relier les savoirs.
• Edgar MORIN, Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur — Le Seuil, 2000.
→ Une grille de réflexion pour repenser l’éducation, avec sept thèmes essentiels pour préparer les esprits à l’incertitude, à la complexité et à l’interconnexion.
• Carl Gustav JUNG, L’homme à la découverte de son âme, Albin Michel, 1967.
→ Recueil essentiel pour comprendre la structure de la psyché et le rôle des complexes.
• Annik DE SOUZENELLE, Le symbolisme du corps humain, Albin Michel, 1991.
→ Une approche spirituelle et symbolique du corps et de la psyché.
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