Les 7 regards en supervision

Quand on accompagne les autres, on se doit de garder une posture ajustée, ouverte, réflexive. La supervision est l’un des lieux où l’on vient déposer ce qui nous traverse, mettre à jour nos zones d’ombre, affiner notre pratique. Le Seven-Eyed Model, ou modèle des 7 regards, est une approche systémique et relationnelle particulièrement précieuse dans ce processus. Elle sert de boussole au superviseur pour accompagner le praticien. Elle développe la « posture méta ».

Développé par Peter Hawkins et Robin Shohet dans les années 1980, ce modèle nous invite à poser notre attention sur sept angles d’observation distincts… qui ensemble composent une vision globale de ce qui se joue dans une situation d’accompagnement.

Pour lire ce modèle, notez bien qui est qui :

-> le client : le client du praticien qui vient en supervision

-> le praticien : la personne supervisée

-> le superviseur : la personne qui accompagne le praticien en supervision

1. Le regard sur le client et son contexte

Ce premier regard s’intéresse à la personne accompagnée, sa situation de vie, son environnement, et les enjeux visibles ou sous-jacents. Qui est cette personne ? Que vit-elle ? Quelles sont ses attentes ? Quels sont les éléments contextuels (familiaux, professionnels, sociaux) qui influencent sa demande ?

Ce regard est fondamental pour ne pas réduire le client à son symptôme ou à sa posture. On écoute ici sans interpréter, on observe avec curiosité ce que le client vit, pense, ressent.

Exemple : une cliente vient parler de burn-out. Ce regard permet de prendre en compte son rythme de travail, sa charge mentale, mais aussi la pression familiale ou les attentes sociétales autour de la réussite.

2. Le regard sur les stratégies du client

On passe ici à un deuxième niveau : comment cette personne s’y prend pour faire face à sa situation ? Quels sont ses mécanismes ? Son style relationnel ? Ses ressources ? Ses impasses ? Il s’agit d’examiner la manière dont elle se raconte, agit ou se protège.

C’est aussi le lieu des répétitions inconscientes, des croyances limitantes ou des rôles que la personne prend systématiquement dans ses relations.

Exemple : on observe qu’un client dit toujours “je dois” au lieu de “je veux”. Ce petit détail linguistique révèle peut-être une tendance à l’auto-injonction ou à l’effacement.

3. Le regard sur la relation entre le praticien et le client

Ce regard est au cœur de la supervision : qu’est-ce qui se joue dans la relation entre l’accompagnant et la personne accompagnée ? Quelles émotions, quelles tensions, quels silences ou malentendus ? On explore ici le transfert et le contre-transfert, les projections, les identifications.

Parfois, ce que le client vit dans sa vie extérieure se rejoue subtilement dans la relation d’accompagnement. En prendre conscience permet d’agir avec justesse plutôt que de réagir.

Exemple : un coach se sent “épuisé” à chaque séance avec un client qui parle vite et change sans cesse de sujet. Cela peut refléter un fonctionnement global du client, ou réveiller chez le coach une vieille dynamique personnelle.

4. Le regard sur le praticien

Ici, l’attention se tourne vers ce que le professionnel vit intérieurement. Quels sont ses ressentis, ses réactions, ses croyances ou ses biais ? Cette introspection aide à mieux comprendre ce qui appartient au client… et ce qui résonne en soi.

Ce regard permet de sortir de l’identification ou de l’aveuglement. Il offre une distance juste, une reconnaissance de ses propres filtres.

Exemple : une thérapeute se sent très protectrice face à une cliente en détresse. La supervision l’aide à comprendre que cela réveille une blessure ancienne et qu’elle risque de perdre sa posture neutre.

5. Le regard sur la relation entre le superviseur et le praticien

Comme tout accompagnement, la supervision est elle-même une relation. Ce regard propose d’observer les échos, les transferts ou les résonances entre le professionnel supervisé et le superviseur.

Souvent, ce qui se passe dans la relation d’aide se rejoue à un autre niveau ici. Observer cette dynamique permet au superviseur de faire des hypothèses utiles à la compréhension globale.

Exemple : un coach très réservé dans sa pratique devient soudain expansif en supervision. Cela peut refléter une tension non exprimée dans sa relation au client.

6. Le regard sur le superviseur

Le superviseur aussi est un être humain. Ce regard l’invite à observer ses propres ressentis, réactions, filtres ou vulnérabilités. Cela soutient une posture éthique et lucide. Ce n’est pas un lieu d’autoanalyse, mais un rappel que la neutralité parfaite n’existe pas.

Exemple : le superviseur remarque qu’il s’impatiente intérieurement face au discours du professionnel. Il peut alors s’interroger : est-ce son propre seuil de tolérance, ou un écho du système ?

7. Le regard sur le système plus large

Enfin, ce dernier regard élargit le champ : quelles sont les influences du système plus vaste ? Cela inclut l’organisation, la culture, le contexte social ou politique, les dynamiques collectives ou familiales.

Ce regard est essentiel pour éviter une vision individualiste des situations. Il nous rappelle que nous sommes tous pris dans des environnements qui agissent sur nous.

Exemple : un coach en entreprise accompagne une femme qui n’ose pas s’affirmer. En élargissant à la culture d’entreprise, il découvre que les femmes y sont systématiquement reléguées à des fonctions d’exécution.

Un cadre éthique et systémique

Le modèle des 7 regards ne fonctionne pas en dehors d’un cadre, bien au contraire. Il repose sur une posture déontologique et systémique, respectueuse du professionnel accompagné, mais aussi du client final.

Il s’ancre dans un cadre de supervision clair, fondé sur :

  • La sécurité relationnelle, pour permettre au professionnel de déposer ce qui le traverse sans crainte de jugement
  • La réflexivité, pour l’aider à distinguer ses propres mouvements intérieurs de ceux du client
  • La circulation des systèmes, en acceptant que ce qui se vit dans la relation d’aide peut aussi se rejouer dans la supervision
  • L’alliance, pour que le superviseur soit un partenaire de croissance, non un juge ou un formateur

Utiliser ce modèle, c’est se former à une lecture fine et engagée des dynamiques humaines, avec humilité, conscience et engagement.

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