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Récemment, grâce à l’UNAFAM, j’ai découvert cette notion de « rétablissement », distincte de celle de guérison et de rémission. Elle est utilisé en santé mentale et parle de la capacité de « vivre » avec un trouble psychique, de l’avoir accueilli comme une réalité dans sa vie et s’y être adapté, elle peut nous servir aussi quand nous avons vécu des chocs et avons besoin de les accueillir dans notre vie réellement pour continuer la route.
Se rétablir en psychiatrie : un chemin, pas une fin
Dans le champ de la santé mentale, les mots ne sont jamais neutres. On parle de troubles, de symptômes, de soins… Mais depuis plusieurs années, une autre notion s’impose : le rétablissement. Elle ne signifie pas forcément guérir, ni même être en rémission. Elle désigne un chemin personnel, singulier, vers une vie digne, choisie, habitée, au-delà du trouble.
Guérison, rémission, rétablissement : de quoi parle-t-on ?
En médecine traditionnelle, on distingue :
- La guérison, comme disparition complète des symptômes, retour à un fonctionnement considéré comme “normal”.
- La rémission, comme une atténuation des symptômes, sans disparition totale. Elle peut être partielle, prolongée, mais suppose une possible rechute.
Mais ces deux termes posent problème en santé mentale, où les troubles psychiques s’inscrivent souvent dans la durée, avec des hauts et des bas, des rechutes possibles, des parcours non linéaires.
La notion de rétablissement vient bouleverser cette vision. Elle ne repose pas sur l’évaluation clinique d’un état, mais sur le vécu et le choix de la personne.
Se rétablir, c’est vivre avec un trouble, parfois chronique, mais retrouver une capacité à faire des choix, à s’impliquer dans la vie, à reconstruire du sens, des liens, un projet.
Reconnaître, se soigner, vivre avec : des étapes fondamentales du rétablissement
Le rétablissement commence souvent par une étape difficile mais essentielle : reconnaître qu’il y a un trouble, qu’un fonctionnement habituel ne suffit plus, que l’on a besoin d’aide. Cette reconnaissance peut être vécue comme un effondrement, une perte d’identité, ou au contraire comme un soulagement, une mise en mots de ce qui pesait.
Accepter un diagnostic ne signifie pas s’y réduire. C’est le premier pas vers un accompagnement adapté : soin médical, psychothérapie, accompagnement social ou pair-aidance. C’est parfois accepter un traitement, non comme une solution miracle, mais comme un soutien dans un parcours plus vaste.
Vient ensuite une étape essentielle et souvent longue : apprendre à vivre avec. Vivre avec des limites, avec des sensibilités particulières, avec un quotidien parfois instable. Mais aussi vivre avec des ressources, des désirs, des liens, qui peuvent se reconstruire au fil du temps. L’accompagnement en psychoéducation pour apprendre comment vivre avec sa maladie peut être un moyen précieux pour cela.
Dans ce chemin, la personne redevient sujet : elle apprend à connaître ses déclencheurs, à repérer les signes d’alerte, à prendre soin d’elle de manière préventive. Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un nouveau départ, lucide et ancré dans le réel.
Une approche centrée sur la personne
Cette notion de rétablissement s’est développée dans les années 1990 dans les pays anglo-saxons, portée notamment par des personnes concernées elles-mêmes. Elle a été reprise en France à travers la mouvance du rétablissement en santé mentale, qui privilégie l’empowerment, la dignité, et la reconnaissance du savoir expérientiel.
Ce changement de regard est fondamental : il ne s’agit plus de « soigner pour normaliser », mais d’accompagner une personne dans son parcours, même si les symptômes persistent. On sort du modèle pathologisant, on entre dans une logique de reconstruction, de réappropriation de sa vie.
Ce que permet la notion de rétablissement
- Elle rend le pouvoir d’agir à la personne, qui ne se réduit plus à son diagnostic.
- Elle valorise les ressources, les envies, les forces, et non seulement les manques.
- Elle reconnaît le droit au rétablissement même sans guérison complète.
- Elle inscrit le soin dans une relation d’accompagnement, plus horizontale, plus humaine.
Par exemple, une personne souffrant de schizophrénie peut ne pas être « guérie » au sens strict. Mais si elle reprend des études, retrouve des liens, s’investit dans un projet qui a du sens, elle est en chemin de rétablissement.
De plus en plus, cette notion est intégrée dans les pratiques : pair-aidance, groupes de parole, accompagnement au logement, emploi accompagné, réhabilitation psychosociale… Toutes ces démarches s’appuient sur le projet de la personne elle-même, et non sur une norme extérieure.
Ce que le rétablissement n’est pas
Ce n’est ni un renoncement au soin, ni une idéalisation du trouble.
Ce n’est pas dire : « il faut vivre avec, tant pis ».
C’est dire : « je peux vivre avec, autrement ».
C’est reconnaître que la vie ne se réduit pas à l’absence de symptômes, mais à la présence de choix, de relations, de sens, d’espoir.
Une piste pour tous les accompagnants
La notion de rétablissement interroge aussi notre posture, que l’on soit soignant, thérapeute, coach ou éducateur.
Elle nous invite à ne pas enfermer une personne dans une étiquette, à soutenir ce qui émerge de vivant en elle, même fragile, même paradoxal.
Elle replace la personne au centre de sa trajectoire, avec ses ressources, son rythme, ses résistances, ses découvertes.
Pour aller plus loin
Patricia DEEGAN, figure pionnière du mouvement du rétablissement aux États-Unis, a beaucoup insisté sur le fait que « se rétablir, ce n’est pas devenir ce que les autres veulent que nous soyons, c’est devenir pleinement soi-même ».
Et si, au lieu de viser la normalité, nous accompagnions la singularité vivante de chaque personne ?
POUR ALLER PLUS LOIN –
- Une BD : Lisa MANDEL, Se rétablir, 2022.
Alors franchement je ne « kieffe » pas spécialement le graphisme. Mais, j’apprécies le « fond » car l’auteure aborde concrètement le rétablissement à travers des exemples réels de personnes touchés par des troubles psychiques ou autre neurodiversité (bipolaire comme TDAH, par exemple)

Un épisode de podcast : Charles Pépin, Comment se rétablir ?
Le philosophe ouvre la réflexion au-delà du rétablissement dans le cadre de la santé mentale, comment cette notion peut nous aider à faire face aux épreuves de la vie.
