
Perdre un être cher est toujours une épreuve. Sur le coup, nous pouvons avoir l’impression que nous ne la surmonterons jamais. Avec du temps et la décision de recueillir l’héritage vivant, c’est possible !
Le deuil est d’abord un choc qui nous frappe, nous blesse et nous sidère. Je me souviens de l’anéantissement de Papa à la mort de sa mère. Elle était déjà à l’hôpital depuis plusieurs mois et avait 94 ans. Mais l’âge n’enlève pas la douleur de la perte ! Et le choc était aussi dû au fait que sa mère est morte le matin du jour où elle devait rentrer chez elle ! Papa avait tout fait pour aménager sa chambre au rez-de-chaussée, se procurer un lit médicalisé, engager des aides à domicile… Et à la place des « retrouvailles », c’est le vide, le néant… « J’aurais dû… Maman aurait pu… j’aurais dû… » On se réécrit l’histoire pour qu’elle ne finisse pas comme dans la réalité car celle-ci n’est pas accueillable. Elle est violente. Nous avons partagé notre vie avec cette personne pendant X années et là, « c’est fini » et « pour toujours »… . Le choc peut expliquer parfois même l’absence de larmes qui n’est pas dû à une absence de peine, mais au fait de ne pas réaliser que ce qui se passe est bien « réel ». Alors, comment le traverser ?
Le deuil est un processus. Il ne prend pas la même durée selon la personne qui est morte, selon le lien que j’avais avec elle, selon ma personnalité et mon histoire… Elisabeth Kübler-Ross a observé que le deuil comprenait habituellement cinq étapes : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. D’autres ont rajouté deux étapes. Une au début : le choc et une à la fin : la reconstruction. Le processus n’est pas linéaire. Nous pouvons faire des allers et retours. Chacun/e a aussi sa façon personnelle de le traverser. Dans le cas de la perte d’un enfant, chacun des conjoints peut réagir différemment : l’un avoir besoin de parler, alors que l’autre ne veut pas en parler et a besoin de solitude… Ecouter ses besoins et ceux de l’autre peut être compliqué alors que le deuil a tendance à nous refermer sur nous-mêmes… Une des peurs qui peut traverser l’endeuillé/e est de ne pas être « fidèle » à l’amour de la personne perdue si je « lâche » la tristesse, la souffrance, si je m’autorise à vivre à nouveau. C’est particulièrement vrai dans les liens conjugaux et filiaux… Serais-je fidèle à mon mari, à ma femme si je « recommence » à goûter la saveur de la vie ? Si je m’autorise à être heureuse, heureux de nouveau ? D’autre fois, notre histoire s’en mêle : si j’ai été abandonné à la naissance, je peux vivre le deuil comme un autre abandon et sombrer dans la dépression…

Un élément qui peut être très aidant est de recueillir l’héritage. Souvent, la mort d’un proche entraîne aussi des questions de successions et d’héritage mais ce n’est pas de cet héritage là dont je parle ! A l’IFHIM, nous apprenions à aider la personne touchée par le deuil à recueillir l’héritage VIVANT de la personne. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que j’ai reçu de cette personne ? Qui a-t-elle été pour moi ? Qu’est-ce qu’elle a fait pour moi ? Que m’a-t-elle apportée ?… Cela peut être écrire l’histoire de ce lien ou juste recueillir quelques points saillants. Je peux aussi avoir reçu un don de cette personne. Je prends un exemple, pour rendre cela plus « concret ». J’ai fait le chemin de Saint-Jacques de Compostelle peu de mois après la mort brutale de Papa. Je me souviens que j’étais souvent « avec lui ». Pourquoi ? Papa nous a appris à observer la nature et l’architecture. En contemplant la beauté et la différence des paysages traversés – du Pays-Basque, des Pyrénées, de la Rioja, de la Mesetta, de la Galice, j’étais sans cesse avec lui. Il avait aussi un don pour la rencontre. J’ai tissé des liens avec des personnes du monde entier, qui sont encore bien vivant deux ans après. C’est un héritage qu’il m’a légué. Je dirais même qu’il nous a légué et ainsi il continue à être vivant à travers nous. Après, chacun reçoit « une part ». Mes frères ont l’art de nous faire rire, comme Papa.
Parfois, il peut aussi être important de regarder dans « l’autre sens » : ce que j’ai fait pour la personne, ce que je lui ai apporté. Par exemple, une maman qui a accompagné son nouveau-né pendant ses trois mois de vie, alors qu’il était en soins intensifs entre la vie et la mort. Regarder tout ce qu’elle a fait pour sa petite fille soit bien et en bonne santé, pendant la grossesse et après la naissance : ne pas prendre de médicaments, manger sainement, faire de l’exercice, se détendre., suivre les formations proposées pour accompagner au mieux son enfant.. puis aller à l’hôpital tous les jours, tirer son lait pour sa fille ait des anticorps, lui parler, la changer, prier pour elle… Et au bout de cette relecture, découvrir les larmes aux yeux que sa fille – même si elle n’a pas vécu longtemps – lui a fait le cadeau d’être Maman et s’en émerveiller profondément !
Et vous, quand vous avez vécu un deuil, qu’est-ce qui vous a aidé ?
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